Lorsque René Dubois, petit-fils de Théodose Dubois, meurt en 1927, il transmet la Stéarinerie Dubois à ses deux fils, Alexandre et André. Il leur transmet aussi une autre entreprise dans laquelle il a investi : Les Forges et Aciéries de Bonpertuis situées près de Grenoble.
Après sa disparition, ses deux enfants vont se partager les tâches.
Alexandre, prend la présidence du Conseil d’Administration de la Stéarinerie Dubois et la direction des Forges et Aciéries de Bonpertuis, tandis qu’André prend en charge la direction générale de la Stéarinerie.
Au fil des années Alexandre focalise son activité sur les Forges et Aciéries de Bonpertuis, dont il va faire un laboratoire pour ses idées extrêmement avant-gardistes en matière de gouvernance d’entreprise. Il cesse d’être Président du Conseil d’Administration en 1940, néanmoins il reste actionnaire de la Stéarinerie.
Suite au décès prématuré d’André en 1950, puis aux difficultés qui s’ensuivent, Alexandre Dubois redevient président du Conseil d’Administration en 1961. C’est lui qui donne l’impulsion pour transformer en profondeur l’entreprise. Il meurt quelques années plus tard, en 1964.
Au-delà du rôle important qu’il a joué au sein de la Stéarinerie Dubois, Alexandre Dubois est surtout une figure majeure du patronat français du milieu du XXème. Ses idées d’avant-garde, sa détermination à les mettre en œuvre dans son entreprise et son inlassable détermination à faire connaitre sa vision de l’entreprise en font une figure attachante qui mérite d’être redécouverte.
Alexandre Dubois a la conviction qu’il faut trouver une « troisième voie » entre le capitalisme libéral et le marxisme. Inspiré notamment par la doctrine sociale de l’Eglise, il souhaite « révolutionner » l’entreprise et les relations avec ses employés. L’hostilité relative que lui manifeste une grande partie du patronat sera pour lui une source de motivation supplémentaire afin de faire réussir son projet. Propagandiste ardent, il devient une figure centrale du patronat chrétien : il fonde l’Union des chefs d’entreprise pour l’association capital-travail (Uce-act), anime et influence le Centre des jeunes patrons (CJP), participe aux travaux du Centre français du patronat chrétien (CFPC) et de l’Association des cadres dirigeants pour le progrès social et économique (Acadi). Alexandre Dubois est également un des fondateurs, en 1941, de l’association Economie et Humanisme, dont il deviendra le président à la Libération.
L’idée qui structure la pensée d’Alexandre Dubois est que le développement économique et le développement social et humain doivent aller de pair. Par conséquent il faut repenser la notion d’entreprise: celle-ci devient un centre d’échange de services (et non de choses) comprenant certes du capital et de l’argent, mais également du travail et des idées créatrices. Alexandre Dubois pense qu’il est nécessaire d’orienter l’entreprise vers une forme communautaire basée sur la coopération et la gestion participative. A la structure pyramidale traditionnelle doit se substituer progressivement une structure horizontale qui oblige à déléguer certaines tâches et à partager l’information auprès du personnel. Alexandre Dubois ne se contente pas de proposer une structure d’entreprise nouvelle, il la met en pratique au sein de son entreprise, les Forges et Aciéries de Bonpertuis. Par exemple, il intègre des salariés et leurs représentants dans les organes de décision et affirme une confiance totale envers ses salariés, faisant par exemple rapidement disparaître les pointeuses de son usine.
Ces idées très avant-gardistes seront combattues à la fois par le patronat, qui y voit une perte de pouvoir, mais aussi par les syndicats qui préfèrent s’en tenir à une attitude contestataires fondée sur la lutte des classes.
Elles inspireront néanmoins la mise en place de l’Intéressement puis de la participation. Même si Alexandre Dubois était plutôt fier que le Général de Gaulle reprenne sa formule pour lancer son projet (« décapitaliser sans décapiter »), il pensait que limiter la participation à la dimension financière était une erreur et un contresens.
Cette vision de l’entreprise était probablement trop en avance sur son temps. Elle trouve néanmoins des échos dans les expériences actuelles d’équipe autonomes conduites chez Michelin et dans bien d’autres expériences de management participatif.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la vie et l’œuvre d’Alexandre Dubois, nous vous conseillons la lecture l’article de Xavier Hollandts, Professeur à Kedge Business School : LA GESTION PARTICIPATIVE, UNE UTOPIE RÉALISÉE? – L’expérience d’Alexandre Dubois aux aciéries de Bonpertuis.