En 2020, la Stéarinerie Dubois fête son 200ème anniversaire. C’est l’occasion de se pencher sur deux cent ans d’une aventure humaine et économique unique, conduite tout au long des années par les descendants directs du fondateur: ici pas de nostalgie, mais de l’inspiration pour construire le futur
Alia Kouki, dans le cadre de son stage de Master 2 « Sources et valorisation des patrimoines d’entreprises » de l’Université Paris-Saclay a pu rassembler et mettre en forme beaucoup d’informations sur l’histoire de notre entreprise, guidée par Gérard Emptoz, chimiste et historien des sciences, professeur honoraire de l’Université de Nantes et grand connaisseur de l’histoire de la chimie des corps gras en général et de la stéarine en particulier. Merci à tous les deux pour leur aide précieuse.
C’est cette histoire que vous allez pouvoir découvrir tout au long de l’année avec cette Web Série.
Bonne lecture!
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Les commencements
Théodose Dubois est né le vingt et un nivôse de l’an X (c’est-à-dire le 11 janvier 1802) à Chantenay-Villedieu, petite ville de la Sarthe.
Pourquoi et comment ce jeune natif de la Sarthe s’est-il retrouvé fabricant de bougies à Paris ? Nous ne le savons pas. Mais cela n’est pas si surprenant. Les bouleversements que la France avait subis pendant la Révolution puis l’Empire avaient profondément transformé les structures sociales, scientifiques et économiques, rendant possible de nombreuses aventures entrepreneuriales comme celles de Théodose Dubois, en pleine période de la révolution industrielle.
La Maison Dubois, 35 rue des Lombards à Paris
Nous retrouvons Théodose Dubois à Paris, où la maison Dubois est fondée en 1820.
L’entreprise est alors située au 35, rue des Lombards, au cœur du quartier situé entre les Halles et le Châtelet. Ce quartier, dans ses rues encore médiévales, rassemble beaucoup de petites entreprises industrielles et d’artisans, en particulier des ciriers qui fabriquent et vendent des chandelles, des cierges et des bougies.
En 1830, la maison Dubois fusionne avec un autre cirier de la rue des Lombards, Monsieur Bertrand.
Ce dernier est mentionné dans le « Bazar Parisien » comme revendeur de la bougie MERIJOT. Cette bougie était réalisée avec une combinaison de cire et de suif, combinaison pour laquelle un brevet avait été déposé en 1820.
En ces débuts de la révolution industrielle, la recherche d’une solution pour un éclairage efficace et peu coûteux était devenue un enjeu essentiel. Il était important que l’on puisse s’affranchir de l’éclairage naturel fourni par la lumière du jour, qui rythmait à l’époque l’organisation du travail et la vie quotidienne.
C’est la bougie stéarique qui va en quelques années révolutionner ce domaine et permettre à tous de s’éclairer correctement et à moindre coût.
La révolution de la bougie stéarique
A cette même période, la connaissance et l’utilisation des corps gras sont profondément modifiées par les travaux d’un des plus grands chimistes de son temps : Eugène Chevreul.
Chevreul publie en 1823 son ouvrage « Recherches Chimiques sur les Corps Gras d’Origine Animale », dans lequel il décrit la réaction de saponification et la composition de la tri-stéarine. Il démontre que les corps gras sont formés d’une combinaison entre le glycérol et des acides gras. Il isole les acides stéariques et oléiques, auxquels il donne leur nom.
Chevreul perçoit immédiatement que sa découverte peut révolutionner l’industrie de la chandelle et de la bougie.
En effet jusqu’alors, l’éclairage se faisait soit avec des chandelles de cires d’abeille qui donnaient un éclairage de qualité mais étaient extrêmement couteuses, soit avec des chandelles de suif, peu coûteuses mais qui donnaient un éclairage médiocre et de surcroît étaient malodorantes.
En revanche la réalisation de bougies à base d’acide stéarique permettrait d’obtenir un éclairage de bonne qualité à moindre coût.
Le chercheur devient alors inventeur. Chevreul, qui enseigne au muséum d’histoire naturelle, dépose en 1824 un brevet d’invention de quinze ans avec un autre grand chimiste de l’époque, professeur à l’Ecole Polytechnique, Gay-Lussac, pour un « Emploi dans l’éclairage des acides stéariques et margariques qu’on obtient dans la saponification des graisses, suifs, beurres et huiles ».
Mais Chevreul ne pourra pas réaliser l’industrialisation de son invention. En effet d’une part il ne dispose pas d’un procédé de fabrication de l’acide stéarique économiquement viable et d’autre part, on ne maîtrise pas encore la technologie des mèches, essentielles pour un bon fonctionnement de la bougie.
Ce sont Messieurs de Milly et Mottard, qui mettront au point la fabrication industrielle de la bougie stéarique en réalisant la saponification du suif à l’aide de chaux et en purifiant l’acide stéarique par pressage. L’acide oléique liquide est ainsi séparé de l’acide stéarique solide. Ils utilisent aussi des mèches en coton traitées à l’acide borique, autre invention réalisée en parallèle et qui permet de ne plus avoir à « moucher » les bougies, c’est-à-dire de devoir couper régulièrement la mèche en excédent pour qu’elle ne fume pas.
La bougie stéarique connait un succès fulgurant, et comme souvent dans l’histoire des innovations réussies, malgré les tentatives de Milly et Motard de se réserver l’exclusivité de l’exploitation de cette invention, de nombreuses stéarineries voient le jour. Lors de l’exposition de 1839, il y a déjà neuf exposants de bougies stéariques.
Théodose Dubois se lance aussi dans les applications de cette nouvelle technologie et sa bougie stéarique (qu’il commercialise sous le nom de « bougie de la Ruche ») ainsi que les perfectionnements dans le moulage qu’il a apporté lui vaudront une citation favorable lors de la grande Exposition de l’Industrie Française de 1844.
Voici quelques exemples des comptes-rendus de l’époque :
L’exposition de 1844